Parlement européen

Directive 96/9/CE du Parlement Européen et du conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 et ses articles 66 et 100 A,

vu la proposition de la Commission (1),

vu l’avis du Comité économique et social (2),

statuant conformément à la procédure visée à l’article 189 B du traité (3),

(1) considérant que les bases de données ne sont actuellement pas suffisamment protégées dans tous les États membres par la législation en vigueur ; qu’une telle protection, lorsqu’elle existe, présente des caractères différents ;

(2) considérant que de telles disparités dans la protection juridique des bases de données qui est assurée par les législations des États membres ont des effets négatifs directs sur le fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne les bases de données et en particulier sur la liberté des personnes physiques et morales de fournir des biens et des services de bases de données en ligne sous un régime juridique harmonisé dans toute la Communauté ; que ces disparités risquent de s’accentuer à mesure que les États membres adopteront de nouvelles dispositions législatives dans ce domaine qui prend de plus en plus une dimension internationale ;

(3) considérant qu’il convient de supprimer les différences existantes ayant un effet de distorsion sur le fonctionnement du marché intérieur et d’empêcher de nouvelles différences d’apparaître, alors qu’il n’y a pas lieu de supprimer ou d’empêcher d’apparaître celles qui ne porteront pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur ou au développement d’un marché de l’information au sein de la Communauté ;

(4) considérant que la protection des bases de données par le droit d’auteur existe sous différentes formes dans les États membres, que ce soit par la législation ou par la jurisprudence, et que, aussi longtemps que des disparités subsistent dans la législation des États membres quant à l’étendue et aux conditions de protection des droits, de tels droits de propriété intellectuelle non harmonisés peuvent avoir pour effet de constituer des entraves à la libre circulation des biens et des services dans la Communauté ;

(5) considérant que le droit d’auteur constitue une forme appropriée de droits exclusifs des auteurs de bases de données ;

(6) considérant, néanmoins, que d’autres mesures additionnelles sont nécessaires afin d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées du contenu d’une base de données en l’absence d’un régime harmonisé concernant la concurrence déloyale ou de jurisprudence en la matière ;

(7) considérant que la fabrication de bases de données exige la mise en oeuvre de ressources humaines, techniques et financières considérables, alors qu’il est possible de les copier ou d’y accéder à un coût très inférieur à celui qu’entraîne une conception autonome ;

(8) considérant que l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées du contenu d’une base de données constituent des actes pouvant avoir des conséquences économiques et techniques graves ;

(9) considérant que les bases de données constituent un outil précieux dans le développement d’un marché de l’information dans la Communauté ; que cet outil sera également utile dans beaucoup d’autres domaines ;

(10) considérant que l’augmentation exponentielle, dans la Communauté et ailleurs dans le monde, du volume d’informations générées et traitées chaque année dans tous les secteurs du commerce et de l’industrie demande des investissements dans des systèmes avancés de traitement de l’information dans tous les États membres ;

(11) considérant qu’il existe actuellement un très grand déséquilibre dans les niveaux d’investissement pratiqués tant entre les États membres qu’entre la Communauté et les principaux pays tiers producteurs dans le secteur des bases de données ;

(12) considérant qu’un tel investissement dans des systèmes modernes de stockage et de traitement de l’information ne se fera pas dans la Communauté en l’absence d’un régime juridique stable et homogène protégeant les droits des fabricants de bases de données ;

(13) considérant que la présente directive protège les recueils, parfois dénommés « compilations », d’oeuvres, de données ou d’autres matières dont la disposition, le stockage et l’accès se font par des moyens qui comprennent des procédés électroniques, électromagnétiques ou électro-optiques ou d’autres procédés analogues ;

(14) considérant qu’il convient d’étendre la protection accordée par la présente directive aux bases de données non électroniques ;

(15) considérant que les critères appliqués pour déterminer si une base de données sera protégée par le droit d’auteur devront se limiter au fait que le choix ou la disposition du contenu de la base de données constitue une création intellectuelle propre à son auteur ; que cette protection vise la structure de la base ;

(16) considérant qu’aucun autre critère que l’originalité au sens de la création intellectuelle de l’auteur ne devra être appliqué pour déterminer si une base de données est protégeable par le droit d’auteur ou non, et qu’en particulier, aucune évaluation de la qualité ou de la valeur esthétique de la base de données ne devra être faite ;

(17) considérant que le terme « base de données » doit être compris comme s’appliquant à tout recueil d’oeuvres littéraires, artistiques, musicales ou autres, ou de matières telles que textes, sons, images, chiffres, faits et données ; qu’il doit s’agir de recueils d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles ; qu’il s’ensuit qu’une fixation d’une oeuvre audiovisuelle, cinématographique, littéraire ou musicale en tant que telle n’entre pas dans le champ d’application de la présente directive ;

(18) considérant que la présente directive est sans préjudice de la liberté des auteurs de décider si, ou de quelle manière, ils permettent l’inclusion de leurs oeuvres dans une base de données, notamment si l’autorisation donnée est de caractère exclusif ou non ; que la protection des bases de données par le droit sui generis est sans préjudice des droits existant sur leur contenu et que, notamment, lorsqu’un auteur ou un titulaire de droit voisin autorise l’insertion de certaines de ses oeuvres ou de ses prestations dans une base de données en exécution d’un contrat de licence non exclusive, un tiers peut exploiter ces oeuvres ou ces prestations moyennant l’autorisation requise de l’auteur ou du titulaire de droits voisins sans se voir opposer le droit sui generis du fabricant de la base de données, à condition que ces oeuvres ou prestations ne soient ni extraites de la base de données ni réutilisées à partir de celle-ci ;

(19) considérant que, normalement, la compilation de plusieurs fixations d’exécutions musicales sur un CD n’entre pas dans le champ d’application de la présente directive, à la fois parce que, en tant que compilation, elle ne remplit pas les conditions pour être protégée par le droit d’auteur et parce qu’elle ne représente pas un investissement assez substantiel pour bénéficier du droit sui generis ;

(20) considérant que la protection prévue par la présente directive peut s’appliquer également aux éléments nécessaires au fonctionnement ou à la consultation de certaines bases de données, tels que le thésaurus et les systèmes d’indexation ;

(21) considérant que la protection prévue par la présente directive se réfère aux bases de données dans lesquelles des oeuvres, des données ou d’autres éléments ont été disposés de manière systématique ou méthodique ; qu’il n’est pas requis que ces matières aient été stockées physiquement de manière organisée ;

(22) considérant que les bases de données électroniques au sens de la présente directive peuvent comprendre également des dispositifs tels que les CD-ROM et les CD-I ;

(23) considérant que le terme « base de données » ne doit pas s’appliquer aux programmes d’ordinateur utilisés dans la fabrication ou le fonctionnement d’une base de données, ces programmes d’ordinateur étant protégés par la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (4) ;

(24) considérant que la location et le prêt de bases de données dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins sont régis exclusivement par la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (5) ;

(25) considérant que la durée du droit d’auteur est déjà réglée par la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (6) ;

(26) considérant que les oeuvres protégées par le droit d’auteur et les prestations protégées par des droits voisins qui sont incorporées dans une base de données restent néanmoins protégées par les droits exclusifs respectifs et ne peuvent être incorporées dans une base de données ni extraites de cette base sans l’autorisation du titulaire des droits ou de ses successeurs en titre ;

(27) considérant que les droits d’auteur sur des oeuvres et les droits voisins sur des prestations ainsi incorporées dans une base de données ne sont en rien affectés par l’existence d’un droit séparé sur le choix ou la disposition de ces oeuvres et prestations dans la base de données ;

(28) considérant que le droit moral de la personne physique qui a créé la base de données appartient à l’auteur et sera exercé en conformité avec le droit des États membres et les dispositions de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques ; que le droit moral reste en dehors du champ d’application de la présente directive ;

(29) considérant que le régime applicable à la création salariée est laissé à la discrétion des États membres ; que, dès lors, rien dans la présente directive n’empêche les États membres de préciser dans leur législation que, lorsqu’une base de données est créée par un employé dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur, seul l’employeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents à la base ainsi créée, sauf dispositions contractuelles contraires ;

(30) considérant que les droits exclusifs de l’auteur doivent comprendre le droit de déterminer la façon dont son oeuvre sera exploitée, et par qui, et en particulier le droit de contrôler la distribution de son oeuvre à des personnes non autorisées ;

(31) considérant que la protection des bases de données par le droit d’auteur comprend également la mise à disposition de bases de données sous une autre forme que par la distribution de copies ;

(32) considérant que les États membres sont tenus d’assurer au moins l’équivalence matérielle de leurs dispositions nationales par rapport aux actes soumis à restrictions prévus par la présente directive ;

(33) considérant que la question de l’épuisement du droit de distribution ne se pose pas dans le cas de bases de données en ligne, qui relèvent du domaine des prestations de services ; que cela s’applique également à l’égard d’une copie matérielle d’une telle base faite par l’utilisateur de ce service avec le consentement du titulaire du droit ; que, contrairement au cas des CD-ROM ou CD-I, où la propriété intellectuelle est incorporée dans un support matériel, à savoir dans une marchandise, chaque prestation en ligne est, en effet, un acte qui devra être soumis à une autorisation pour autant que le droit d’auteur le prévoit ;

(34) considérant, néanmoins, qu’une fois que le titulaire du droit d’auteur a décidé de mettre à la disposition d’un utilisateur une copie de sa base de données, soit par un service en ligne, soit par une autre forme de distribution, cet utilisateur légitime doit pouvoir accéder à la base de données et l’utiliser aux fins et de la manière prescrites dans le contrat de licence conclu avec le titulaire du droit, même si l’accès et l’utilisation rendent nécessaire d’effectuer des actes en principe soumis à restrictions ;

(35) considérant qu’il convient de prévoir un catalogue d’exceptions aux actes soumis à restrictions, compte tenu du fait que le droit d’auteur visé par la présente directive ne s’applique qu’au choix ou à la disposition des matières contenues dans une base de données ; qu’il convient de donner aux États membres la faculté de prévoir lesdites exceptions dans certains cas ; que, toutefois, cette faculté doit être utilisée conformément à la convention de Berne et dans la mesure où les exceptions portent sur la structure de la base de données ; qu’il convient de distinguer les exceptions au titre de l’usage privé des exceptions au titre de la reproduction à des fins privées, ce dernier domaine concernant des dispositions de droit national de certains États membres en matière de taxes sur les supports vierges ou les appareils d’enregistrement ;

(36) considérant que le terme « recherche scientifique » au sens de la présente directive couvre à la fois les sciences de la nature et les sciences humaines ;

(37) considérant que l’article 10 paragraphe 1 de la convention de Berne n’est pas affecté par la présente directive ;

(38) considérant que l’utilisation toujours croissante de la technologie numérique expose le fabricant d’une base de données au risque que le contenu de sa base de données soit copié et adapté électroniquement sans autorisation pour en faire une autre base de données, de contenu identique, mais qui ne violerait pas le droit d’auteur applicable à la disposition du contenu de la première base ;

(39) considérant que, en plus de l’objectif d’assurer la protection du droit d’auteur en vertu de l’originalité du choix ou de la disposition du contenu de la base de données, la présente directive a pour objectif de protéger les fabricants de bases de données contre l’appropriation des résultats obtenus de l’investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu, en protégeant l’ensemble ou des parties substantielles de la base de données contre certains actes commis par l’utilisateur ou par un concurrent ;

(40) considérant que l’objet de ce droit sui generis est d’assurer la protection d’un investissement dans l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu d’une base de données pour la durée limitée du droit ; que cet investissement peut consister dans la mise en oeuvre de moyens financiers et/ou d’emploi du temps, d’efforts et d’énergie ;

(41) considérant que l’objectif du droit sui generis est d’accorder au fabricant d’une base de données la possibilité d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base de données ; que le fabricant d’une base de données est la personne qui prend l’initiative et assume le risque d’effectuer les investissements ; que cela exclut de la définition de fabricant notamment les sous-traitants ;

(42) considérant que le droit spécifique d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées vise des actes de l’utilisateur qui outrepassent les droits légitimes de celui-ci et qui portent ainsi préjudice à l’investissement ; que le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu vise non seulement la fabrication d’un produit concurrent parasite, mais aussi l’utilisateur qui, par ses actes, porte atteinte de manière substantielle, évaluée qualitativement ou quantitativement, à l’investissement ;

(43) considérant que, en cas de transmission en ligne, le droit d’interdire la réutilisation n’est épuisé ni en ce qui concerne la base de données, ni en ce qui concerne une copie matérielle de cette même base ou d’une partie de celle-ci effectuée avec le consentement du titulaire du droit par le destinataire de la transmission ;

(44) considérant que, lorsque la visualisation sur écran du contenu d’une base de données nécessite le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle de ce contenu sur un autre support, cet acte est soumis à l’autorisation du titulaire du droit ;

(45) considérant que le droit d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées ne constitue aucunement une extension de la protection du droit d’auteur aux simples faits ou aux données ;

(46) considérant que l’existence d’un droit d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d’une partie substantielle d’oeuvres, de données ou d’éléments d’une base de données ne donne pas lieu à la création d’un nouveau droit sur ces oeuvres, données ou éléments mêmes ;

(47) considérant que, dans le but de favoriser la concurrence entre les fournisseurs de produits et de services dans le secteur du marché de l’information, la protection par le droit sui generis ne doit pas s’exercer de manière à faciliter les abus de position dominante, notamment en ce qui concerne la création et la diffusion de nouveaux produits et services présentant une valeur ajoutée d’ordre intellectuel, documentaire, technique, économique ou commercial ; que, dès lors, les dispositions de la présente directive sont sans préjudice de l’application des règles de la concurrence, qu’elles soient communautaires ou nationales ;

(48) considérant que l’objectif de la présente directive, qui est d’assurer un niveau de protection appropriée et homogène aux bases de données, afin de garantir la rémunération du fabricant de la base, est différent de l’objectif poursuivi par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (7), qui est d’assurer la libre circulation des données personnelles sur la base de règles harmonisées tendant à protéger les droits fondamentaux, notamment le droit à la vie privée qui est reconnu à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les dispositions de la présente directive sont sans préjudice de l’application de la législation en matière de protection des données ;

(49) considérant que, nonobstant le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle d’une base de données, il convient de prévoir que le fabricant d’une base de données ou le titulaire du droit ne peut pas empêcher l’utilisateur légitime de la base d’extraire et de réutiliser des parties non substantielles ; que, toutefois, ce même utilisateur ne peut pas causer un préjudice injustifié ni aux intérêts légitimes du titulaire du droit sui generis, ni au titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin portant sur des oeuvres ou prestations contenues dans cette base ;

(50) considérant qu’il convient de donner aux États membres la faculté de prévoir des exceptions au droit d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées d’une partie substantielle du contenu d’une base de données lorsqu’il s’agit d’une extraction à des fins privées ou à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique et lorsqu’il s’agit d’une extraction et/ou d’une réutilisation réalisées à des fins de sécurité publique ou aux fins d’une procédure administrative ou juridictionnelle ; qu’il importe que ces opérations ne portent pas préjudice aux droits exclusifs du fabricant d’exploiter la base de données et que leur but ne revête pas un caractère commercial ;

(51) considérant que les États membres, lorsqu’ils font usage de la faculté d’autoriser l’utilisateur légitime d’une base de données à en extraire une partie substantielle du contenu à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique, peuvent limiter cette autorisation à certaines catégories d’établissements d’enseignement ou de recherche scientifique ;

(52) considérant que les États membres qui ont une réglementation spécifique comportant un droit similaire au droit sui generis prévu par la présente directive doivent pouvoir maintenir, en ce qui concerne le nouveau droit, les exceptions à ce droit traditionnellement établies par cette réglementation ;

(53) considérant que la charge de la preuve de la date d’achèvement de la fabrication d’une base de données pèse sur le fabricant de celle-ci ;

(54) considérant que la charge de la preuve de la réunion des critères permettant de conclure qu’une modification substantielle du contenu d’une base de données est à considérer comme un nouvel investissement substantiel pèse sur le fabricant de la base qui résulte de cet investissement ;

(55) considérant qu’un nouvel investissement substantiel impliquant une nouvelle durée de protection peut comprendre une vérification substantielle du contenu de la base de données ;

(56) considérant que le droit d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées ne s’applique aux bases de données dont le fabricant est un ressortissant d’un pays tiers ou y a sa résidence habituelle et aux bases de données produites par une personne juridique non établie dans un État membre, au sens du traité, que lorsque ce pays tiers offre une protection comparable aux bases de données produites par des ressortissants d’un État membre ou des personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire de la Communauté ;

(57) considérant que, en plus des sanctions prévues par la législation des États membres en cas de violation du droit d’auteur ou d’autres droits, les États membres doivent prévoir des sanctions appropriées en cas d’extraction et/ou de réutilisation non autorisées du contenu d’une base de données ;

(58) considérant que, en plus de la protection accordée par la présente directive à la structure de la base de données par le droit d’auteur et à son contenu par le droit sui generis d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées, les autres dispositions légales des États membres concernant la fourniture de biens et de services dans le secteur des bases de données restent applicables ;

(59) considérant que la présente directive est sans préjudice de l’application aux bases de données composées d’oeuvres audiovisuelles des règles reconnues, le cas échéant, par la législation d’un État membre concernant la télédiffusion de programmes audiovisuels ;

(60) considérant que certains États membres protègent actuellement par un régime de droit d’auteur des bases de données qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité à la protection au titre du droit d’auteur prévus par la présente directive ; que, même si les bases de données concernées sont éligibles à la protection au titre du droit prévu par la présente directive d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées de leur contenu, la durée de la protection par ce dernier droit est sensiblement inférieure à celle dont elles jouissent au titre des régimes nationaux actuellement en vigueur ; qu’une harmonisation des critères appliqués pour déterminer si une base de données sera protégée par le droit d’auteur ne peut avoir pour effet de diminuer la durée de la protection dont jouissent actuellement les titulaires des droits concernés ; qu’il convient de prévoir une dérogation à cet effet ; que les effets de cette dérogation doivent se limiter au territoire des États membres concernés,

ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

CHAPITRE PREMIER

CHAMP D’APPLICATION

Article premier

Champ d’application

1. La présente directive concerne la protection juridique des bases de données, quelles que soient leurs formes.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par « base de données » : un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière.

3. La protection prévue par la présente directive ne s’applique pas aux programmes d’ordinateur utilisés dans la fabrication ou le fonctionnement des bases de données accessibles par des moyens électroniques.

Article 2

Limitations au champ d’application

La présente directive s’applique sans préjudice des dispositions communautaires concernant :

a) la protection juridique des programmes d’ordinateur ;

b) le droit de location et de prêt et certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle ;

c) la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins.

CHAPITRE II

DROIT D’AUTEUR

Article 3

Objet de la protection

1. Conformément à la présente directive, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de cette protection.

2. La protection des bases de données par le droit d’auteur prévue par la présente directive ne couvre pas leur contenu et elle est sans préjudice des droits subsistant sur ledit contenu.

Article 4

Qualité d’auteur de la base de données

1. L’auteur d’une base de données est la personne physique ou le groupe de personnes physiques ayant créé la base ou, lorsque la législation de l’État membre concerné l’autorise, la personne morale considérée par cette législation comme étant le titulaire du droit.

2. Lorsque les oeuvres collectives sont reconnues par la législation d’un État membre, les droits patrimoniaux sont détenus par la personne investie du droit d’auteur.

3. Lorsqu’une base de données est créée en commun par plusieurs personnes physiques, les droits exclusifs sont détenus en commun par ces personnes.

Article 5

Actes soumis à restrictions

L’auteur d’une base de données bénéficie, en ce qui concerne l’expression de cette base pouvant faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur, du droit exclusif de faire ou d’autoriser :

a) la reproduction permanente ou provisoire, en tout ou en partie, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit ;

b) la traduction, l’adaptation, l’arrangement et toute autre transformation ;

c) toute forme de distribution au public de la base ou de ses copies. La première vente d’une copie d’une base de données dans la Communauté par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans la Communauté ;

d) toute communication, exposition ou représentation au public ;

e) toute reproduction, distribution, communication, exposition ou représentation au public des résultats des actes visés au point b).

Article 6

Exceptions aux actes soumis à restrictions

1. L’utilisateur légitime d’une base de données ou de copies de celle-ci peut effectuer tous les actes visés à l’article 5 qui sont nécessaires à l’accès au contenu de la base de données et à son utilisation normale par lui-même sans l’autorisation de l’auteur de la base. Dans la mesure où l’utilisateur légitime est autorisé à utiliser une partie seulement de la base de données, le présent paragraphe s’applique seulement à cette partie.

2. Les États membres ont la faculté de prévoir des limitations aux droits visés à l’article 5 dans les cas suivants :

a) lorsqu’il s’agit d’une reproduction à des fins privées d’une base de données non électronique ;

b) lorsqu’il y a utilisation uniquement à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique, toujours sous réserve d’indiquer la source, dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi ;

c) lorsqu’il s’agit d’une utilisation à des fins de sécurité publique ou aux fins d’une procédure administrative ou juridictionnelle ;

d) lorsqu’il s’agit d’autres exceptions au droit d’auteur traditionnellement prévues par leur droit interne, sans préjudice des points a), b) et c).

3. Conformément à la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, le présent article ne peut être interprété de façon à permettre son application d’une manière qui cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit ou qui porte atteinte à l’exploitation normale de la base de données.

CHAPITRE III

DROIT « SUI GENERIS »

Article 7

Objet de la protection

1. Les États membres prévoient pour le fabricant d’une base de données le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

2. Aux fins du présent chapitre, on entend par :

a) « extraction » : le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit ;

b) « réutilisation » : toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d’autres formes. La première vente d’une copie d’une base de données dans la Communauté par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans la Communauté.

Le prêt public n’est pas un acte d’extraction ou de réutilisation.

3. Le droit visé au paragraphe 1 peut être transféré, cédé ou donné en licence contractuelle.

4. Le droit visé au paragraphe 1 s’applique indépendamment de la possibilité pour la base de données d’être protégée par le droit d’auteur ou par d’autres droits. En outre, il s’applique indépendamment de la possibilité pour le contenu de cette base de données d’être protégé par le droit d’auteur ou par d’autres droits. La protection des bases de données par le droit visé au paragraphe 1 est sans préjudice des droits existant sur leur contenu.

5. L’extraction et/ou la réutilisation répétées et systématiques de parties non substantielles du contenu de la base de données qui supposeraient des actes contraires à une exploitation normale de cette base, ou qui causeraient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du fabricant de la base, ne sont pas autorisées.

Article 8

Droits et obligations de l’utilisateur légitime

1. Le fabricant d’une base de données qui est mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit ne peut empêcher l’utilisateur légitime de cette base d’extraire et/ou de réutiliser des parties non substantielles de son contenu, évaluées de façon qualitative ou quantitative, à quelque fin que ce soit. Dans la mesure où l’utilisateur légitime est autorisé à extraire et/ou à réutiliser une partie seulement de la base de données, le présent paragraphe s’applique à cette partie.

2. L’utilisateur légitime d’une base de données qui est mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit ne peut pas effectuer des actes qui sont en conflit avec l’exploitation normale de cette base, ou qui lèsent de manière injustifiée les intérêts légitimes du fabricant de la base.

3. L’utilisateur légitime d’une base de données qui est mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit ne peut porter préjudice au titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin portant sur des oeuvres ou des prestations contenues dans cette base.

Article 9

Exceptions au droit « sui generis »

Les États membres peuvent établir que l’utilisateur légitime d’une base de données qui est mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit peut, sans autorisation du fabricant de la base, extraire et/ou réutiliser une partie substantielle du contenu de celle-ci :

a) lorsqu’il s’agit d’une extraction à des fins privées du contenu d’une base de données non électronique ;

b) lorsqu’il s’agit d’une extraction à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique, pour autant qu’il indique la source et dans la mesure justifiée par le but non commercial à atteindre ;

c) lorsqu’il s’agit d’une extraction et/ou d’une réutilisation à des fins de sécurité publique ou aux fins d’une procédure administrative ou juridictionnelle.

Article 10

Durée de la protection

1. Le droit prévu à l’article 7 produit ses effets dès l’achèvement de la fabrication de la base de données. Il expire quinze ans après le 1er janvier de l’année qui suit la date de l’achèvement.

2. Dans le cas d’une base de données qui a été mise à la disposition du public de quelque manière que ce soit avant l’expiration de la période prévue au paragraphe 1, la durée de la protection par ce droit expire quinze ans après le 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle la base a été mise à la disposition du public pour la première fois.

3. Toute modification substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu d’une base de données, notamment toute modification substantielle résultant de l’accumulation d’ajouts, de suppressions ou de changements successifs qui ferait considérer qu’il s’agit d’un nouvel investissement substantiel, évalué de façon qualitative ou quantitative, permet d’attribuer à la base qui résulte de cet investissement une durée de protection propre.

Article 11

Bénéficiaires de la protection par le droit « sui generis »

1. Le droit prévu à l’article 7 s’applique aux bases de données dont le fabricant ou le titulaire du droit sont ressortissants d’un État membre ou ont leur résidence habituelle sur le territoire de la Communauté.

2. Le paragraphe 1 s’applique également aux sociétés et aux entreprises constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal à l’intérieur de la Communauté ; néanmoins, si une telle société ou entreprise n’a que son siège statutaire sur le territoire de la Communauté, ses opérations doivent avoir un lien réel et continu avec l’économie d’un État membre.

3. Les accords étendant le droit prévu à l’article 7 aux bases de données fabriquées dans des pays tiers et non couvertes par les paragraphes 1 et 2 sont conclus par le Conseil, sur proposition de la Commission. La durée de protection accordée à des bases de données en vertu de cette procédure ne dépasse pas celle prévue à l’article 10.

CHAPITRE IV

DISPOSITIONS COMMUNES

Article 12

Sanctions

Les États membres prévoient des sanctions appropriées contre la violation des droits prévus par la présente directive.

Article 13

Maintien d’autres dispositions

La présente directive n’affecte pas les dispositions concernant notamment le droit d’auteur, les droits voisins ou d’autres droits ou obligations subsistant dans les données, les oeuvres ou les autres éléments incorporés dans une base de données, les brevets, les marques, les dessins et modèles, la protection des trésors nationaux, le droit des ententes et de la concurrence déloyale, le secret des affaires, la sécurité, la confidentialité, la protection des données personnelles et le respect de la vie privée, l’accès aux documents publics ou le droit des contrats.

Article 14

Application dans le temps

1. La protection prévue par la présente directive en ce qui concerne le droit d’auteur s’applique également aux bases de données créées avant la date visée à l’article 16 paragraphe 1 qui remplissent à cette date les exigences fixées par la présente directive quant à la protection des bases de données par le droit d’auteur.

2. Par dérogation au paragraphe 1, lorsqu’une base de données qui est protégée par un régime de droit d’auteur dans un État membre à la date de publication de la présente directive ne répond pas aux critères d’éligibilité à la protection au titre du droit d’auteur prévus à l’article 3 paragraphe 1, la présente directive n’a pas pour effet d’abréger dans cet État membre le délai de protection accordé au titre du régime susmentionné restant à courir.

3. La protection prévue par la présente directive en ce qui concerne le droit prévu à l’article 7 s’applique également aux bases de données dont la fabrication a été achevée pendant les quinze années précédant la date visée à l’article 16 paragraphe 1 et qui remplissent à cette date les exigences fixées à l’article 7.

4. La protection prévue aux paragraphes 1 et 3 est sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant la date visée auxdits paragraphes.

5. Dans le cas d’une base de données dont la fabrication a été achevée pendant les quinze années précédant la date visée à l’article 16 paragraphe 1, la durée de protection par le droit prévu à l’article 7 est de quinze ans à compter du 1er janvier qui suit cette date.

Article 15

Caractère impératif de certaines dispositions

Toute disposition contractuelle contraire à l’article 6 paragraphe 1 et à l’article 8 est nulle et non avenue.

Article 16

Dispositions finales

1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 1er janvier 1998.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

3. Au plus tard à la fin de la troisième année suivant la date visée au paragraphe 1, et ultérieurement tous les trois ans, la Commission transmet au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport sur l’application de la présente directive, dans lequel, en particulier sur la base d’informations spécifiques fournies par les États membres, elle examine notamment l’application du droit sui generis, y compris les articles 8 et 9, et vérifie spécialement si l’application de ce droit a entraîné des abus de position dominante ou d’autres atteintes à la libre concurrence qui justifieraient des mesures appropriées, dont la mise en place d’un régime de licences non volontaires. Elle présente, le cas échéant, des propositions visant à adapter la présente directive à l’évolution du secteur des bases de données.

Article 17

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le 11 mars 1996.

Par le Parlement européen

Le président

K. HÄNSCHPar le Conseil

Le président

L. DINI

(1) JO n° C 156 du 23. 6. 1992, p. 4. JO n° C 308 du 15. 11. 1993, p. 1.

(2) JO n° C 19 du 25. 1. 1993, p. 3.

(3) Avis du Parlement européen du 23 juin 1993 (JO n° C 194 du 19. 7. 1993, p. 144), position commune du Conseil du 10 juillet 1995 (JO n° C 288 du 30. 10. 1995, p. 14) et décision du Parlement européen du 14 décembre 1995 (JO n° L 17 du 22. 1. 1996). Décision du Conseil du 26 février 1996.

(4) JO n° L 122 du 17. 5. 1991, p. 42. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 93/98/CEE (JO n° L 290 du 24. 11. 1993, p. 9).

(5) JO n° L 346 du 27. 11. 1992, p. 61.

(6) JO n° L 290 du 24. 11. 1993, p. 9.

(7) JO n° L 281 du 23. 11. 1995, p. 31.