
Des manuels scolaires numériques accessibles pour tous
Modération : Sébastien Mounié, ministère de l’Éducation nationale
Jérôme Dupire, Conservatoire national des Arts et Métiers ; Caroline Huron, Institut national de la Santé et de la Recherche médicale ; Valérie Barthez, Les éditeurs d’éducation ; Nathalie Pujo, Hachette
Sophie Rattaire, coordinatrice interministérielle de l’accessibilité universelle
On va reprendre nos échanges et on va parler manuel scolaire. On a déjà un peu abordé la question à ce matin. On voit qu’il y a une grosse attente derrière l’accessibilité numérique des manuels scolaires. Autour de la table, nous avons Monsieur Jérôme Dupire, Madame Caroline Hureau, Madame Valérie Barthez, Madame Nathalie pujeau, et Monsieur Sébastien Mounier qui qui va nous faire le plaisir de d’animer cette table ronde.
Monsieur Sébastien Mounier, Chef du bureau de l’école inclusive au ministère de l’Éducation nationale.
Merci Sophie, pour débuter cet après-midi, nous allons aborder une thématique ambitieuse puisque vous l’avez vu, le titre c’est « des manuels scolaires numériques accessibles pour tous ». Donc la problématique est posée sur la table. On a entendu ce matin, des questions étaient souvent revenues sur l’accessibilité du manuel scolaire. Il nous a paru fondamental à la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire de s’intéresser bien sûr, à cette problématique. Problématique, qui nous est remonté aussi, au sein du ministère, en créant un groupe de travail, qui a mobilisé à la fois des représentants du secteur de l’édition et surtout, et j’insiste sur le surtout, des chercheurs. Puisque l’objectif ce n’était pas simplement d’aller sur le versant, je dirais technique et technologique, mais d’avoir des recommandations qui sont en appui, des éditeurs scolaires, sur finalement, les usages en situation de classes, à la fois des élèves et des enseignants. Là, c’est vrai que c’est une approche novatrice, puisque nous on voulait une méthodologie, et puis ensuite, que, évidemment les secteurs de l’édition puisse s’appuyer sur les recommandations. Qu’il y ai un dialogue qui s’installe, entre la communauté scientifique et le secteur de l’édition. Donc le groupe de travail a été lancé l’an passé et l’objectif de cette table ronde, cet après-midi, c’est tout simplement de vous présenter les orientations, faire un point d’étape avant le livrable qui est prévu, en début d’année civile prochaine. Je regarde Jérôme et Caroline, voilà donc sans plus attendre, je vous cède la parole Jérôme peut-être pour vous présenter avec Caroline pour l’état de vos travaux. Et je vous remercie pour votre présence bien sûr.
Jérôme Dupire, Conservatoire national des Arts et Métiers, Caroline Huron, Institut national de la Santé et de la Recherche médicale
On va vous présenter une étude de recherche, qu’on a mis en place avec le bureau de l’école inclusive, sur la question de l’accessibilité des manuels scolaires. Et on s’est intéressé à l’étude des pratiques des enseignants et des élèves pour faire ça et on s’est placé dans un contexte assez serré, parce que la recherche ne peut pas travailler directement sur tous les manuels scolaires. Donc nous, on a travaillé sur des manuels qu’on connaît particulièrement, bien parce que on a un projet centré dessus de recherche qui sont les manuels d’études de la langue, c’est à dire de français de primaire du CE1 au CM2. La problématique actuelle, c’est que la production actuelle, en tout cas celle qui est vendue, elle est non accessible à un certain nombre d’enfants ; et l’accessibilité est prise en charge par un ensemble d’organismes qui sont essentiellement associatifs ; et donc on se demandait comment on pouvait faire mieux, pour régler cette question-là. Pour ça, on est parti d’un modèle formel, d’un manuel d’étude de la langue standard, on va dire de primaire. Donc un manuel, c’est composé, d’une page de couverture avec un certain nombre d’informations dessus, d’une page d’ours où il y a le copyright, les noms des différents intervenants, les auteurs, la date, etc. De deux types de pages facilitateurs pédagogiques ou facilitateurs techniques. Les facilitateurs techniques, c’est le sommaire, l’avertissement, la bibliographie etc. Les facilitateurs pédagogiques, c’est les conseils d’utilisation, les notes, les corrigés, les tableaux de conjugaison, enfin genre de choses voilà. Ensuite, il y a la page classique, donc là j’ai une slide avec une double page de manuel. Déjà ces manuels, le plus souvent, ils sont divisés en sous-discipline, que sont la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et le vocabulaire y sont systématiquement à l’intérieur, structurés autour d’une double page.

On sait sur cette double page, quelle est la sous-discipline, la grammaire par exemple, le numéro de chapitre, le titre, un texte le plus souvent. Ça commence souvent par une activité d’exploration, souvent en dessous, il y a un dessin plus ou moins illustratif du texte et puis il y a des questions pour faire l’activité d’exploration. Ensuite il y a le titre du cours et un cours puis du côté droit, il y a deux colonnes d’exercices avec un certain nombre d’éléments. Un exercice, ça inclus : un numéro ou un nom (défi langue, auto dictée), presque toujours une consigne, un énoncé, parfois un exemple, un conseil, une image qui peut être soit absolument indispensable (donner le nom de l’image), qui peut être informative (le texte porte sur les tapisseries de Bayeux, avec une image des tapisseries de Bayeux), ou qui peut être juste illustratif du texte ou carrément décoratif.

Et dedans il y a un certain nombre de types d’exercices. Quand on les analyses assez finement, on se rend compte qu’en fait 70 à 80 % des exercices sont de 6 types : d’identification, c’est tout ce qui identifie, le verbe, le complément, donc « trouve le verbe, le complément, l’adjectif etcetera ». Il y a des exercices à trous ; soit avec un trou qu’il faut compléter par des choses imposées par exemple : il faut compléter avec la lettre P ou B, là c’est du choix multiples ; soit un trou, par exemple, il faut trouver la réponse à des devinettes où il faut compléter par un verbe, une phrase dans laquelle il y a un trou. Il y a des exercices de classements, Il faut classer en fonction des expressions, des mots, en fonction du fait qu’ils soient masculins, féminins, pluriels, singuliers. Des exercices de transformation, il faut écrire des groupes nominaux qui sont au singulier, au pluriel. Et la production d’écrits pour faire une petite expression écrite, soit à partir d’une image, soit à partir d’une consigne.
On va passer à la méthodologie.
Ce projet est un projet qui est en cours. Ici vous avez une vision de l’état actuel du projet, ce n’est pas un livrable. Vous ne pourrez probablement pas repartir avec quelque chose de très circonscrit est utilisable. En revanche, on avait à cœur de vous présenter un certain nombre de résultats, qui ont déjà été recensé, au cours de ce projet. La méthodologie qu’on a souhaité appliquer, ça concernait les usages, à partir de ce qui se passe sur le terrain au niveau de l’école. À la fois du point de vue des apprenants, des apprenantes en situation de handicap, mais également, des professionnels qui utilisent ces manuels scolaires et qui ont également des besoins, et où, qui vont inférer, des besoins sur les usages qu’ils proposent aux élèves, en général dans la classe, aussi aux élèves en situation de handicap en particulier. Le livrable, à l’issue de ça, sera idéalement, une première version, d’un cahier des charges qui pourra être utilisable à la fois par le monde de l’édition, de la conception et pourquoi pas un référentiel aussi pour évaluer de l’accessibilité. En parlant des structures de l’édition, on a souhaité également, dans une première approche les intégrer évidemment, puisque on peut difficilement émettre un certain nombre de recommandations sans avoir une connaissance minimale, voir fine, des mécaniques de de travail qui sont qui sont en place. Donc on a également consulté dans le temps qui nous était qui nous été consacrés, les structures de l’édition pour essayer de comprendre, comment est-ce que la production d’un manuel scolaire se déroulait et envisager une co-construction finalement d’un cahier des charges, de quelque chose d’opérationnel à la sortie, qui puisse permettre de donner à la fois une grille, un référentiel et des guides opérationnels qui pourraient être le plus directement utilisable par l’industrie. On a une question qui était évidemment central à l’issue de ça. C’était dans quel environnement ce manuel numérique devra-t-il être utilisé. On a déjà eu des questions ce matin sur ce dilemme entre une application générique universelle et des applications dédiées par structure ou types d’ouvrages. Le statut de cette « liseuse / plateforme / truc numérique » dans lequel va être consulter ce livre. Ce manuel scolaire est également central puisque on va avoir des fonctionnalités ou pas, qui vont être plateformes dépendantes. Concernant les usagers, plutôt, apprenants, apprenantes, on a essayé d’adresser un maximum de profils d’utilisateurs et d’utilisatrices en situation de handicap, qui sont, ici, listés. On a une partie de notre population, qu’on a été visiter, en situation de handicap moteur, en situation de handicap visuel, auditif, on a un certain nombre de troubles dys qui ont été envisagés, des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité et des troubles du spectre autistique également. Sur les pédagogues, on avait vocation également, comme je vous disais tout à l’heure, c’est de s’adresser à toutes les situations donc à la fois à enseignants, enseignantes spécialisées et d’autres qui ne le sont pas. Parce que l’usage du manuel scolaire dans son ensemble, nous intéresse. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas spécifiquement la situation handicap pour répondre spécifiquement aux besoins des élèves en situation de handicap, c’est d’essayer d’avoir une approche holistique qui permet d’adresser l’ensemble des besoins des élèves y compris ceux en situation de handicap, dans quelque chose qui serait le plus générique possible, le plus unique possible, que chacun chacune pourrait adapter selon ses besoins. Le travail réalisé, c’est le Lab 110 qui a qui a été en charge ; on a fait des entretiens avec les éditeurs pour répondre aux questions que j’ai évoqué tout à l’heure. Un certain nombre de groupes avec les enseignants classes ordinaires, les enseignants en classe spécialisés et dans différents établissements in situ, pour aller à la rencontre à la fois des élèves et des enseignants soit spécialisés, soit non spécialisés. Dans les adaptations qui ont été remontées par les enseignants et enseignantes, évidemment, on est sur une diversité de stratégie et de mécanismes qui s’y met en place pour permettre aux élèves, en situation de handicap d’utiliser, les manuels autant que faire se peut de la même manière que les élèves typiques. On a une problématique intéressante, une caractéristique intéressante sur le fait que contrairement à ce qu’on entend dans les médias aujourd’hui. Les profs travaillent pendant leur été pour préparer leur rentrée, du coup anticiper les adaptations qu’ils vont devoir faire à partir des manuels qu’ils vont utiliser l’année suivante. Et mettre en place finalement un maximum d’outils, qui leur faciliteront et leur permettront de tenir la classe. L’utilisation de pictogrammes, d’images, pour illustrer les notions, expliciter le vocabulaire, sont des choses qui sont assez récurrentes et qui reviennent très régulièrement. Le manuel idéal, et terminerai sur ces quelques notions autour du manuel idéal. D’un point de vue l’ergonomie, il y a une vraie demande sur une cohérence entre les différents manuels. Ça peut être différents manuels d’une même collection au fil des années. Parce que, à partir du moment où on apprend, où les élèves acquièrent les codes de lecture ou les codes d’usage pour un manuel. Il est intéressant évidemment de pas avoir les réapprendre et à repasser du temps là-dessus. Si le manuel reprend les mêmes codes que l’an passé et que les années précédentes, c’est un facilitateur. Le contenu adapté, c’est une évidence, le regroupement des contenus pour faciliter aussi, le repérage des différents contenus sur le manuel, prise en main facilité, mise en forme simple et allégée. Des guides d’utilisation donc, plus de guidage disponible à l’intérieur du manuel, pour au maximiser l’autonomie de l’élève face à son manuel. La multimodalité, avoir des modalités différentes et complémentaires qui vont permettre d’enrichir une leçon, d’enrichir un concept, d’enrichir des apprentissages et finalement avoir une forme de boîte à outils, à l’intérieur de laquelle on va finalement trouver le bon angle d’attaque pour transférer, transmettre le contenu à l’apprenant ou l’apprenante. Le profil d’utilisateur, c’est à dire qu’une fois qu’on a personnalisé ou que l’élève a personnalisé selon ses besoins, une forme de présentation, une forme d’interaction du manuel scolaire, qu’il ne soit pas systématiquement obligé de réinjecté ces paramètres manuellement. Qu’il y est une possibilité de mémoriser ses réglages et de les réappliquer dans cet environnement voir, dans différents environnements numériques, qui permettraient d’éviter un travail déjà fait. Cette notion de correction, pour là encore amener de l’autonomie, auprès des élèves et leur permettre d’avoir un timing qui soit personnel et qui leur permettent d’avancer ou pas, en fonction de de leur rythme et est pas forcément en fonction d’un rythme global. Merci
Monsieur Sébastien Mounier, Chef du bureau de l’école inclusive au ministère de l’Éducation nationale.
Merci Jérôme et Caroline pour ses premières ses premières briques posées. La question se tourne maintenant vers Valérie Barthez (Les éditeurs d’éducation) et Nathalie Pujo (Hachette) qui représentent le secteur de l’édition. L’idée c’est de voir comment vous avez pu avancer, puisque il y a eu ce dialogue dans le cadre de ce travail. Donc où en êtes-vous aujourd’hui, quels sont les les avancées majeures et puis aussi les points de résistance, ou les questions qui restent en suspens, puisque comme pour la recherche, on n’avance pas à pas.
Valérie Barthez (Les éditeurs d’éducation)
Merci Sébastien donc bonjour à toutes et tous je suis Valérie Barthez. Moi je dirige l’association les éditeurs d’éducation. Rapidement je vais vous présenter l’association les éditeurs d’éducation, c’est une association qui est fédère, l’action collective des éditeurs scolaires français. Quand on parle d’éditeurs scolaire, je précise tout de suite qu’on parle bien d’éditeur de manuel, qui répond à une définition légale, il existe d’ailleurs un décret qui définit ce qu’est un manuel. Pourquoi je le précise ? C’est parce qu’ensuite le nombre d’adhérents aujourd’hui à l’association est de 32 marques d’édition et ça veut bien dire qu’on a quasiment la totalité des éditeurs scolaires français. Il y a une diversité aujourd’hui d’édition scolaires mais elle n’est pas en nombre très important puisqu’on est centré sur la question du manuel. Les adhérents sont de toutes tailles et opère chacun, soit sur l’ensemble des niveaux scolaires, primaires et secondaires, soit parfois, sur un seul niveau. On a par exemple plusieurs éditeurs qui n’interviennent que sur le primaire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de ressources numériques bien sûr, mais voilà de façon peut être différentes par rapport au secondaire, on y reviendra. Donc voilà une représentativité assez large et surtout des tailles de de maisons, il y a les groupes d’édition dont Nathalie notamment en fait partie, comme Hachette ou par ailleurs Editis et puis des vraiment des petites maisons, qui interviennent sur un marché plus petit. L’un des objectifs de l’association, c’est bien évidemment les relations avec le ministère de l’Éducation nationale et notamment avec vous, Sébastien, avec qui on a beaucoup travaillé sur toutes ces questions là. Il y a le groupe de travail dont vous parliez, les discussions qu’on a depuis maintenant plusieurs années parce que la question de l’adaptation, ou maintenant de l’accessibilité native, ne date pas d’aujourd’hui. Nous avons également beaucoup d’échanges avec le ministère de la Culture à ce sujet, puisque c’est un sujet libre au départ. Et puis nous travaillons également avec l’Arcom, qui comme cela a été dit ce matin, à en charge la mise en œuvre, ensuite du contrôle de l’application de la loi transposée de la directive européenne. L’avantage bien évidemment de l’association, ça va être de pouvoir toucher tous les éditeurs scolaires en une fois, et pouvoir exercer une information, la plus précise possible, à l’ensemble de ces éditeurs. Ce sujet là, comme on l’a vu ce matin et on le verra aussi sans doute cet l’après-midi est quand même complexe. Il l’est d’autant plus sur les manuels scolaires. L’avantage d’avoir un point d’entrée unique pour l’ensemble des éditeurs, ça permet une information, qu’on essaie évidemment de transmettre, la plus précise possible. On a notamment eu un travail assez poussé avec Véronique Bérenger de Platon ,de la BNF, qui est intervenu ce matin pour justement informer les nouveaux adhérents de l’existence de Platon, pour ceux qui ne connaissaient pas, d’avoir tout un travail de lien, aussi avec la BNF et d’essayer de porter au maximum la parole de l’adaptation. Pour que des élèves et des enseignants aient accès à des ressources adaptées et maintenant de l’accessibilité native. Deux précisions avant de passer la parole à Nathalie sur les aspects beaucoup plus concrets. La première c’est le rappel de la volonté des éditeurs scolaires de mettre à disposition de tous les élèves et de tous les enseignants, des ressources diversifiées et variés. Dans le tous les élèves et tous les enseignants, on inclut bien évidemment des élèves ou des enseignants en situation de handicap. Le travail qui est mené a vraiment cet objectif là, ça n’est pas forcément facile, en tout cas c’est vraiment l’objectif de l’édition scolaire, comme des autres secteurs de l’édition. Nous rappelons à ce titre que la spécificité dans l’édition scolaire, c’est que sur la partie manuel, le contenu va être dicté par le ministère d’éducation nationale, au travers des programmes qui sont publiés. Qui donnent des éléments assez précis dans les attendus des élèves, les évaluations, etc. Ça rajoute de la complexité quand on veut avoir des ressources accessibles. Le deuxième point, en corrélation avec le premier, c’est la distinction qu’il faut opérer entre l’adaptation et l’accessibilité native. Nathalie aussi va y revenir. Platon continuera à perdurer, après l’entrée en vigueur de de la directive et de la loi française sur l’accessibilité native. Parce que tous les types de handicap ne pourront pas forcément être traités tout de suite sur tous les ouvrages. L’adaptation continuera à exister, mais il faut bien quand on parle de ce sujet-là, distinguer ce qui va relever de l’accessibilité native, c’est à dire de l’ouvrage ou le manuel en l’occurrence, qui va devoir être accessible à tous les élèves, en situation de handicap ou non. Versus l’adaptation ou là le manuel adapté est issu d’un manuel destiné aux élèves qui ne sont pas en situation de handicap, l’adaptation est lui destinée aux élèves en situation de handicap. Il faut bien avoir en tête la distinction, entre l’adaptation et l’accessibilité native pour la suite des discussions, un mot clé, ça va faire la transition avec Nathalie, qui est celui de la pédagogie.
Nathalie Pujo (Hachette)
Merci Valérie, je travaille chez Hachette Livre et je suis ici aujourd’hui plutôt en tant que référente sur l’accessibilité de l’association. Alors les éditeurs scolaires travaillent depuis très longtemps sur la possibilité de proposer effectivement aux élèves qui ont des difficultés particulières des ouvrages ou des ressources adaptées. Le tout début ça date de très longtemps, on avait fait un partenariat à plusieurs éditeurs, pas forcément tous, avec Mobidys pour proposer des bibliothèques de livres audio donc de manuel audio, dans notamment les collèges surtout et un peu les écoles primaires. Ça date de, avant même qu’on ait des manuels numériques. Par ailleurs bien entendu, on fait depuis que Platon existe, le dépôt systématique de l’ensemble de nos ouvrages sur Platon, comme Valérie vient de le rappeler. J’ai entendu ce matin, qu’il y avait une attente très forte sur le scolaire, ça a été mentionné dans plusieurs tables rondes, ce qui est normal. Je voulais rappeler, avant de vous dire où est-ce qu’on en est, les contraintes multiples auxquelles on fait face. D’abord on utilise dans le scolaire un reader propriétaire qui n’est pas Thorium. Je suis désolé, parce que on a tout un tas de fonctionnalités qui sont spécifiques à l’enseignement, notamment le fait que le professeur peut surligner, annoter les documents, puisqu’il va les projeter en classe. Il faut qu’il ait des outils spécifiques de d’écriture sur le manuel pendant qu’il projette, il va aussi pouvoir partager des ressources, des documents, des éléments avec les élèves. Les élèves vont pouvoir lui renvoyer des exercices, par exemple fait, etc, donc il y a tout un tas de fonctionnalités qui ne sont pas des fonctionnalités standards de lecteurs d’ePub. La première chose qu’on fait, qu’on doit faire, c’est déjà travailler sur notre reader, pour le rendre lui-même accessible et y intégrer des fonctionnalités d’accessibilité de type : je peux agrandir la police, je peux définir une fois pour toutes pour un élève donné la taille de police, l’espacement des lignes, l’espacement des mots, etc. Je peux éventuellement mettre une règle pour suivre le la lecture. C’est la première particularité, on travaille sur notre outil, avant même de travailler sur les manuels. Ensuite, un manuel scolaire, on l’a vu tout à l’heure dans l’exemple qui était montré par Jérôme, c’est une maquette complexe en double page, qui répond à un objectif pédagogique. C’est assez compliqué de linéariser la lecture, de donner un ordre, il n’y a pas qu’un seul ordre de lecture dans une double page. Alors pour l’accessibilité bien entendu, on va définir un ordre de lecture qui est le plus logique possible, mais c’est pas immédiat et il y a dans l’aspect visuel un apport pédagogique qu’on va perdre en linéarisant le contenu. On a des contraintes de temps qui sont extrêmement fortes pour la production des manuels. On a un processus de production qui n’est pas du tout linéaire. À aucun moment, on a un fichier, de type traitement de texte avec l’intégralité du texte du manuel dans ce fichier, ni même plusieurs fichiers. En fait, on a plein de petits bouts et le texte, on l’intègre directement dans la maquette, le plus souvent. On n’a pas un fichier très facile à manipuler au départ, puisqu’on part directement d’un fichier InDesign. C’est le logiciel utilisé par les éditeurs qui est purement un logiciel de mise en page, qui n’est pas du tout un logiciel permettant de structurer le contenu. Enfin, autre problème, l’utilisation même du manuel est pilotée par l’enseignant. Ce n’est pas le l’élève qui va choisir ce qu’il veut, c’est piloter par l’enseignant. Il va falloir que l’enseignant lui, s’adapte à chaque usage. Je disais on a des délais très contraints, par exemple, on a des réformes de programmes en primaire. Il y a la moitié des classes pour lesquelles on a reçu les programmes fin octobre, l’autre moitié, on n’a pas encore le programme mais il faut quand même sortir les bouquins pour l’année prochaine. Donc ça va être assez compliqué, ce qui explique que on travaille toujours dans l’urgence. C’est vrai que pour nous, la contrainte accessible en même temps que la production du papier. Elle est vraiment très complexe. Néanmoins, on fait beaucoup de choses. On a démarré les travaux d’accessibilité de notre reader, ça c’est en cours. On travaille beaucoup sur tout ce qui est linéarisation, et structuration de de tout le contenu texte, de façon à ce que les outils de lecture puissent, lire les textes du manuel dans un ordre qui soit à peu près cohérent. On travaille bien entendu sur les textes alternatifs aux images, mais là encore on a fait des choses qui sont recommandées dans la recherche, la multimodalité, qui nous donne un avantage. C’est que quand on a un schéma par exemple, qui est purement illustratif d’une leçon qui est écrite à côté, la solution, c’est de lire la leçon qui elle sera accessible et le schéma ne nécessite pas forcément un texte, parce que ça sera d’une complexité sans nom. On a complété tout ce travail qu’on fait sur l’accessibilité, à la fois de notre côté, mais aussi avec les chercheurs, dans différents milieux. Je travaille beaucoup aussi avec évidemment la direction de l’innovation d’Hachette. On a travaillé à la complémentarité en rencontrant beaucoup d’associations, parce que comme l’ont dit ce matin très bien, Caroline et Florence, pour chaque type de handicap, ça nécessite très souvent une adaptation très particulière. Donc nous, on va travailler à tout ce qui est accessibilité technique et on pense jouer la complémentarité avec les associations pour aller dans la finesse de tous les types de handicaps possibles. Merci beaucoup. Merci beaucoup Nathalie.
Sébastien Mounié
Merci beaucoup Nathalie. On voit bien le parallélisme parfois des calendriers. Les contraintes fortes des calendriers, entre le calendrier de la recherche, où on aura des premières recommandations en début d’année civile prochaine. Et en même temps Nathalie, vous avez rappelé les contraintes de la chaîne de production éditoriale, à la fois technique, mais aussi tout simplement de publication, d’édition. Merci pour cette transparence et on voit bien, quand même que tu l’as rappelé Valérie, le maître mot, c’est quand même le volontarisme, d’avancer tous collectivement et de partager de la connaissance, pour gagner du temps sur ces agendas très contraints.
Questions
Question à Madame Pujo
Est-ce que la réflexion que vous avez sur les manuels scolaires, avec notamment ce que vous avez bien, dit la lecture non linéaire, vous l’avez aussi sur les livres documentaires, qui sont pas à destination du public scolaire mais du public jeunesse, qui est quand même concerné par l’école et dans lequel on retrouve aussi tous ces encadrés, ces pages, la structure en double page qui est vraiment présente dans tous les documentaires. Il y a quand même beaucoup d’éditeurs scolaires qui sont aussi éditeurs de documentaire jeunesse. Est-ce que, il y a ces mêmes réflexions sur comment est-ce qu’on pourrait construire ces documentaires de manière à être adaptée, accessible.
Nathalie Pujo
Je travaille uniquement sur le scolaire, mais au niveau du groupe et au niveau de l’ensemble des groupes d’édition. On travaille sur l’ensemble des ouvrages qu’on a. C’est vrai que pour l’instant l’accessibilité, c’est surtout des romans parce que c’est ce qui était le plus facile à faire au début. Mais on travaille sur l’ensemble des ouvrages, la directive accessibilité, elle va s’appliquer à l’ensemble des livres comme Valérie le rappelait. Ce n’est pas un sujet scolaire de l’accessibilité, c’est un sujet livre.
Robin Maya (INSEI INSTITUT NATIONAL SUPÉRIEUR DE FORMATION ET DE RECHERCHE POUR L’ÉDUCATION INCLUSIVE)
Je voudrais revenir sur ce que vous disiez par rapport à votre reader interne. Là vous faites des développements mais est-ce que ça serait pas plus utile de faire un développement avec Thorium plutôt que d’investir dans ce reader là ?
Nathalie Pujo
Je crois que je comprends la question. Ça ne nous empêche pas au niveau du groupe de travailler aussi évidemment avec thorium. On en a parlé ce matin mais il se trouve que là pour le scolaire comme on a énormément ce que je disais tout à l’heure de fonctionnalités qui sont dédiées à l’enseignant et on en a vraiment besoin dans les classes. C’est assez difficile d’articuler les deux, mais on a beaucoup de choses dans notre reader qui sont basées sur du format ePub. On a d’ailleurs fait un test d’un manuel sur lequel le texte était accessible. On l’a extrait, on l’a mis antérieur mais bien ça marche, mais on perd les fonctionnalités enseignantes bien entendu, donc on perd l’usage en classe du manuel, ce qui est quand même embêtant d’un point de vue pédagogique.
À l’adresse de Sébastien Mounier
Afin de rendre plus accessible le contenu pédagogique est-il prévu un budget voire une obligation de version par exemple sous-titrée traduite en LSF ou codée LPC me demande t’on
Sébastien Mounier
Alors là, je ne vais pas pouvoir répondre à la question de budgétaire. Enfin, c’est à dire que sur les manuels scolaires, il n’y a pas de budget dédié, puisque en fait, l’achat des manuels scolaires relève des collectivités notamment, donc il n’y a pas de budget spécifique. En revanche au sein du ministère et de la DEGESCO bien sûr qu’on travaille sur les questions d’accessibilité, mais qui ne sont pas liées pour proprement dit aux manuels scolaires